Historien et politologue, spécialiste de l’histoire contemporaine du Portugal, Yves Léonard sera présent au théâtre de l’Arsenal vendredi 15 novembre pour une conférence/débat sur les 50 ans de la Révolution des Œillets, qui s’est déroulée au Portugal en 1974.
Pourquoi ce symbole des œillets ?
Yves Léonard : « Au mois d’avril au Portugal il y a beaucoup d’œillets. Dans cette journée du 25 avril, quelques fleuristes étaient dans les rues pour les vendre aux clients en terrasses des restaurants. Mais ils étaient fermés. Les vendeuses se sont retrouvées avec les œillets sur les bras. Pendant la journée, les militaires demandaient des cigarettes mais l’une d’elle, Celeste Caeiro, leur a dit « je peux vous offrir des œillets ». Ils les ont mis sur leurs fusils et leur boutonnière. Mais l’œillet rouge a une symbolique forte, on en voit beaucoup au 1er-Mai, on en a vu lors de la Commune de Paris. C’est une fleur avec une histoire. »
« La dernière Révolution de ce type dans le monde »
Quelles sont les particularités de cette Révolution ?
« Elle est très courte, elle s’est déroulée sur la journée du 25 avril, en moins de 24 heures. C’est un soulèvement organisé par des militaires. Certes, pas par des officiers supérieurs, mais de jeunes soldats, de jeunes officiers qui ne voient pas de solutions à la guerre coloniale. C’est également rare que ce soit des militaires qui prennent le pouvoir pour rétablir la démocratie. […] La journée est relativement pacifique, bien que les soldats soient très déterminés, prêts à se servir de leurs armes, il y a la volonté très forte d’éviter un bain de sang. Ce qui est particulier également c’est la dimension sociale forte, on veut changer le quotidien des gens, l’ordre capitaliste. C’est la dernière Révolution de ce type dans le monde. »
Cinquante ans après, qu’est-ce que l’on continue de découvrir sur cette question ?
« Ce qui est intéressant, c’est de garder vivant cet événement historique. Au bout de cinquante ans, les acteurs sont de moins en moins nombreux. La transmission passe à l’historien tout en gardant sa vitalité. C’est pour cela que les cycles de commémorations, les événements dédiés sont importants. Le champ de la recherche est important. Notamment sur la dimension internationale du 25 avril : comment les autres Etats se sont positionnés ? Cela permet aussi de renvoyer à des questionnements du temps présent. A l’heure où se développe parfois le retour à l’autocratie, là on a le phénomène inverse. La démocratie n’est pas un acquis donné pour tout le temps, il faut de la volonté. On essaye de restaurer la complexité de cet évènement : pourquoi pas plus tard ? Pourquoi pas avant ? »
C’est important pour vous de faire cette conférence à Val-de-Reuil ? Pour maintenir l’histoire vivante ?
« L’historien a un rôle de passeur. Comme le disait Victor Hugo : « il faut allumer les grandes dates, comme on allume des flambeaux ». Cela s’adresse à tout le monde. Tout public peut être intéressé : ceux qui l’ont vécue, des franco-portugais mais aussi des lycéens. J’ai parcouru toute la France cette année pour que ce 50e anniversaire soit vivant. C’est la première conférence en Normandie et finir l’année 2024 en étant à Val-de-Reuil ça fait sens pour moi. »
Conférence de Yves Léonard, vendredi 15 novembre à partir de 19 h au théâtre de l’Arsenal. Gratuit. Réservation culture@valdereuil.fr
Conférence « Il était une fois la Révolution des œillets au Portugal il y a 50 ans » suivie d’un temps d’échange avec le public et d’une séance de dédicaces. Les deux derniers ouvrages de Yves Léonard sont : Salazar : le dictateur énigmatique (Perrin) et Sous les œillets, la Révolution (Chandeigne).
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