Journée internationale des droits des femmes : Marie-Jeanne Nouvellon, créatrice de poupée pour lutter contre les normes

Marie-Jeanne Nouvellon, résidente de l’Espages a passé sa vie à créer des poupées pour exprimer ses idées sur les luttes sociales. Portrait d’une femme engagée.

« La célébrité, c’est dur à gérer » , ironise Marie-Jeanne Nouvellon en montrant un album retraçant la trentaine de poupées qu’elle a confectionnées au fil des années. Il y a un an, cette Rolivaloise de 90 ans est arrivée avec son mari à l’Espages. Leur appartement manifeste l’histoire de ses œuvres qui sont loin d’être anodines. En dessous de chaque création, des légendes en lien avec l’émancipation de la femme, des luttes sociales, de la politique…

Suzy, une critique de la société 

Un livre de Simone Veil sur une commode nous accueille devant l’entrée de l’appartement du couple. À côté, des dizaines d’autres ouvrages, des citations imprimées, des affiches, dont une d’une exposition : «Être une femme au 20e siècle, 40 poupées pour le dire». Des figurines, créées de toutes pièces par Marie-Jeanne, notre hôte. «Les hommes ne sont jamais prêts !», lance-t-elle à propos de son mari Michel qui a oublié quelque chose dans la cuisine. À 90 ans, cette Rolivaloise a de l’or dans les mains. Balgencienne de naissance, dans le Loiret, là où il y a les «beaux châteaux» comme elle le dit si bien, ce petit bout de femme a passé près de 35 ans à fabriquer ses poupées. Tout au long de sa vie, elle a vécu les grands changements ; ceux qui marquent l’histoire, ceux qui permettent aux femmes d’être libres aujourd’hui. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors qu’elle n’avait qu’une dizaine d’années, elle déménage avec sa famille. Après avoir fait des passages dans 11 établissements scolaires religieux, elle trouve un sens à son existence dans une école laïque : «J’ai découvert Victor Hugo, la littérature a d’ailleurs beaucoup aidé au féminisme». Elle suit ensuite une formation de couturière où elle excelle dans le domaine. Un jour, elle lit un magazine de mode, puis l’idée naît sous ses yeux. Elle prend un morceau de tissu, des aiguilles, de la colle… Et elle donne naissance à sa première œuvre qu’elle nomme Suzy en hommage à un personnage féminin de BD. Jeune mariée, elle se découvre une passion qui fait vivre ses pensées. «Je me suis mariée très jeune, à 19 ans.  J’ai ensuite eu deux fils par la suite. Je n’ai jamais travaillé, à mon époque, c’était dans nos gènes d’élever nos enfants et puis, je n’ai aucun savoir avec l’argent ! Ces poupées, c’est une étude de la société qui exprime le vécu. Quand on sait faire quelque chose avec ses mains, on traduit une personnalité», déroule-t-elle devant trois d’entre-elles.

Car ce qui fait la différence avec les autres figurines, ce sont les légendes qui les accompagnent. On peut lire :  «Le samedi une petite folie ? La femme ne vit pas seulement de pain, mais aussi de talon haut !» ; «Oui je suis vieille, mais je lis toujours Charlie» ; «Lesbienne… et alors ?!» ou encore des citations de figures féministes comme Gisèle Halimi, Olympe De gouges, Simone de Beauvoir et bien d’autres…

«Le Féminisme n’est pas une chose, c’est un ensemble d’aspirations !»

Des poupées qui racontent une société évolutive que Marie-Jeanne a elle-même vue changer. Née en 1932, ses premiers passages devant les urnes se sont faits très tôt avec l’autorisation de vote aux femmes en 1944 : «Ça a été un changement radical, on pouvait englober tous les êtres humains ! C’est l’aboutissement de luttes». Selon elle, la population n’est pas encore formatée pour accueillir une femme à la tête du pays : «une grande partie de la population ne réalise pas qu’une femme peut-être politicienne. Pourtant, nous avons eu des ministres incroyables comme Madame Veil qui a tant œuvré pour le droit des femmes et pour l’Europe. Je l’admire beaucoup». Tout comme l’avortement, légalisé en 1975 par cette grande dame. «J’ai toujours été pour la contraception, une prévention en amont de l’IVG. Tout le monde n’est pas fait pour la maternité, même sans être mère, une femme peut jouer un rôle dans la société !» souligne l’engagée qui l’a d’ailleurs beaucoup montré dans ses figurines, tout comme les écarts salariaux qui pèsent encore sur la population : «Je trouve que les filles qui veulent vraiment travailler ont plus de possibilités qu’autrefois, c’est dingue de voir qu’avec les mêmes missions, qualifications et bagage intellectuel, elles ne sont pas rémunérées à hauteur des hommes. Il y a encore des luttes à mener !»

Mais Marie-Jeanne n’a pas eu à se plaindre, encore aujourd’hui, son mari, un architecte à la retraite, la soutient dans tous ses choix. «Il ne m’a jamais dit de rester au foyer. C’est un grand libéral !». Et quand on lui pose la fameuse question : «Pour vous, que signifie le féminisme ?» Elle ne tranche pas sa réponse : «Ce n’est pas une chose. C’est un ensemble d’aspirations. Le féminisme ne se pose plus aujourd’hui. C’est la société qui fabrique des femmes plus libérées… mais comme dans tout, il a toujours des anicroches». De Rio au Brésil, en passant par Toulouse ou encore au musée de l’éducation de Rouen, les poupées de Marie-Jeanne ont voyagé pendant de nombreuses années à travers des expositions, faisant revivre l’histoire des femmes. Une renaissance du passé pour aller de l’avant et continuer de lutter en faveur de l’égalité.

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