Marc-Antoine Jamet a souhaité rendre hommage à Noëlle Boudart, « la dame de la sécurité sociale », comme il se plaisait à l’appeler. Élue à Val-de-Reuil depuis 2001, elle est décédée le 24 janvier.
Élue de Val-de-Reuil depuis presque vingt ans, Noëlle Boudart nous a quittés. Notre collègue, notre amie, est décédée mercredi 24 janvier, dans la matinée, des suites de la douloureuse maladie qui lui avait été diagnostiquée quelques semaines auparavant. Cruel, le mal l’a emportée très rapidement. Trop rapidement. Elle venait juste d’avoir 69 ans et ne demandait qu’à vivre. Pour être utile. Pour aider les autres. Pour voir grandir les siens.
Un engagement sans faille
Noëlle était pour notre équipe une mémoire et une vigie. Des deux dernières décennies de la Ville nouvelle, elle avait connu chacun des instants, surmonté tous les obstacles, participé aux réussites.
Dès 2000, elle avait rejoint avec enthousiasme – elle aurait voulu que nous le rappelions – notre liste « Changer la Ville, améliorer la Vie ». Elle était persuadée que Val-de-Reuil, qu’elle aimait et où elle vivait depuis les années quatre-vingts, à deux pas de la route des Sablons, devait évoluer, se transformer ou bien sombrerait.
Très attachée à la Cité Contemporaine, elle ne voulait y voir prospérer ni la misère, ni la violence, ni le chaos. Pour les combattre, elle s’était donc engagée à nos côtés. Spontanément. Elle s’était mobilisée. Entièrement.
« Volonté, sincérité, loyauté »
Prenant naturellement la place qui était sienne, elle s’est alors jetée sans retenue, sans réticence, sans réserve, dans une aventure où tout, diminuer la dette, stopper les impôts, relancer l’investissement, tenir notre rang, ramener la sécurité, paraissait pourtant, à l’époque de ces temps héroïques, incertain et compliqué.
Dans cette lutte, sa volonté, sa sincérité et sa loyauté ne se sont jamais démenties. Elle ne voulait pas, en dépit des années, du plaisir qu’elle avait à rejoindre sa fille près d’Avignon, son fils au Proche-Orient, quitter le bateau ou lever le pied. Il lui restait du travail. Elle voulait le faire. Ce n’était pas une occupation, mais une nécessité et une passion. Tout simplement.
Elle appréciait aussi les voyages de jumelages au cours desquels elle représentait notre pays et sa culture à Workington ou à Ritterhude. Nos interlocuteurs demandaient à ce qu’elle revienne plus fréquemment. Elle participait avec un plaisir non dissimulé à ces journées républicaines où, au bureau de vote (qu’elle tenait avec un mélange de fermeté et de sourire), on voit défiler les électeurs qui déposent dans l’urne un bulletin. Elle n’aurait pas manqué une fête, un repars partage ou une manifestation de solidarité. Elle était fière d’appartenir au Parti Socialiste, celui de Jaurès, Blum et Mitterrand, poursuivant une vie professionnelle bien remplie par une vie militante qui ne l’était pas moins. Nous partagions les mêmes valeurs. En me souvenant de nos derniers mots au CHU de Rouen, mots que, obstinément, nous avions voulu légers, gais, amusants, je regrette que ces moments aient été trop brefs.
Mais Noëlle ne nous avait pas rejoints pour regarder passer les trains. Elle comprenait ce qu’était l’action, les sacrifices qu’il fallait faire, les conversations auxquelles il faut renoncer, le temps personnel qui s’amenuise, et, elle-même, souhaitait avoir un rôle moteur. C’est ainsi qu’elle avait accepté de s’occuper de la vie scolaire et de la petite enfance tout au long de notre premier mandat et, depuis 2008, d’avoir en charge l’état-civil afin, pour notre communauté, de veiller à ce que soit tenue, scrupuleusement, la chronique des naissances, des unions et des disparitions.
Référente du conseil municipal pour l’école Léon Blum, elle était aimée des élèves et de leurs maîtres. N’était-elle pas la grand-mère aimée de cinq petits enfants ? Ce sentiment ne faiblissait pas au passage des générations et en témoigne la peine des deux directeurs de ce Groupe Scolaire lorsqu’ils ont appris qu’ils ne la verraient plus.
Noëlle était donc une figure importante de notre vie municipale. Mais, au-delà, elle était un repère et un recours pour de nombreux habitants qui venaient lui confier leurs problèmes matériels en Mairie. Dans le cadre institutionnel du CCAS où elle siégeait ou, de manière conviviale, à la volée, au rez-de-chaussée de la Mairie, toujours disponible, elle les écoutait, attentive et bienveillante, mettant tout en oeuvre afin de faire disparaître leur peine, de soulager leurs angoisses, de trouver des solutions.
Pendant longtemps, autant, sinon plus que maire-adjointe, elle est restée aux yeux de beaucoup la « dame de la sécurité sociale », celle que l’on va voir quand la maladie, la vieillesse ou la famille préoccupent. Il est vrai que, dans un métier exigeant, elle avait intégré la caisse de l’Eure, en 1978, à Gaillon d’abord, puis à Évreux et à Louviers, enfin à Val-de-Reuil, recevant au fil d’une carrière tournée vers les autres des milliers de normands.
Noëlle était née en Arles, le 12 janvier 1949, et aimait la terre de Provence qui était celle de ses parents, même si – disait-elle – la Normandie lui avait fait perdre son accent. La vie ne lui avait pas toujours été très tendre, mais elle ne se départissait pas pour autant de la bonne humeur qu’elle offrait aux visages qui lui étaient avenants. Du sud, elle avait conservé une élégance agréable et joyeuse dont on remarquait le caractère étudiée en la connaissant.
Sur ce point elle aimait les compliments. Elle pensait retourner « un jour » vers Saint-Pons-la-Calme, en Vaucluse, au nord-ouest d’Avignon, dans cette commune où reposent son père, sa mère et sa grand-mère Plagne. Elle parlait du Gard de sa aïeux Plantevin, du soleil et du mistral. C’est là qu’elle va reposer. Sur son cercueil, rappel du dévouement qui a été le sien pour Val-de-Reuil, du temps et de l’énergie qu’elle y a consacrés, ses enfants ont disposé une photo d’elle avec son écharpe devant la Mairie. Elle y tenait. Nous aussi.
Marc-Antoine Jamet
L’éditorial
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